LES MARCHES ET FOIRES SOUS L’ANCIEN REGIME

 

Lieu d'échanges et de convivialité, les marchés demeurent, malgré la grande distribution, un pôle d’attractivité commerciale ; quel plaisir que d’aller faire son marché ! Côtoyer les marchands souriants toujours prêts à vous renseigner, discuter avec d’autres clients, voilà ce qui fait le charme des places de marché !

Le marché de GENNES n’échappe pas à cette règle ; c’est un lieu d’échanges et de rencontres ; chacun prend plaisir à faire ses courses tout en se promenant.

Mais il a surtout une longue histoire….Penchons-nous sur celle-ci grâce à un registre trouvé aux Archives Départementales d’ANGERS sous la cote E1345, contenant des pièces parchemin et pièces papier, et concernant la création d’une foire annuelle et de marchés hebdomadaires dans le bourg de GENNES , mémoires, enquêtes et transaction au sujet des droits contestés entre le comte de TREVES et le seigneur de la Harielle sur la propriété des grands et des petits moulins, des boucheries et des halles de GENNES, de 1439 à 1784. La monographie de GENNES rédigée fin XIXe siècle par l’Abbé Alexandre BOURASSEAU nous renseigne précieusement sur l’histoire politique et civile de notre commune.

Des marchés royaux s’y tenaient de toute antiquité le mardi et furent compris dans la donation faite à St-Maur. Le document le plus ancien date de 1439

 

Il nous apprend que le Seigneur de Trêves concéda aux habitants de GENNES une de ses foires, à tenir le mardi d’avant la St-Jean-Baptiste ; mais les guerres qui suivirent dévastèrent le pays, et firent presque dépeupler le bourg. La population commençait à rentrer, quand le roi Charles VII y rétablit par un acte de libéralités royales, exactement le 20 décembre 1459, les foires et marchés interrompus depuis près de 23 ans.

 

En septembre 1604, à la prière du Seigneur de Joreau et en considération de ses bons services, Henri IV transféra la foire à la St-Michel pour durer deux jours. Le bourg était alors redevenu marchand et rempli plus que jamais de bons bourgeois, enrichi par le commerce des produits du pays.

 

Avant de comprendre où se tenaient les marchés et les foires, il est nécessaire de préciser que Sous l’ancien régime, dès le XIe siècle, le système féodal dont GENNES faisait partie était composé dans l’ordre suivant :

• A la tête, le roi de France, premier suzerain
  
  
• Sous le roi de France, le comte d’Anjou, deuxième suzerain
  
  
• Sous le comte d’Anjou, le baron de Trêves, troisième suzerain
  
  
• Sous le baron de Trêves, les seigneurs viguiers de GENNES dont l’un résidait à la HARIELLE et possédait la population urbaine
  
  
• Autour des viguiers, un certain nombre de seigneuries d’ordre inférieur se partageant la campagne et la population rurale

Presque tous les établissements et lieux publics intéressant la vie civile des deux paroisses, St Vétérin et St Eusèbe se trouvaient sur le territoire de St Vétérin, notamment dans le quartier de la COHUE, appelé autrefois le quartier des Halles.

LA COHUE : d’après la signification de ce nom, ce lieu situé au milieu du bourg fut de tout temps un lieu de rassemblement où l’on trouvait tout pour traiter les affaires et faire le commerce des denrées. Une rue conserve encore ce nom.

A côté de la petite place appelée la Cohue fut créé le marché des barons de Trêves ; il comprenait l’espace situé entre la rue des Halles et le revers du ruisseau. Les Halles furent construites à proximité.

Les jours de marché, dans une maison appelée la maison de la Fontaine, un officier recevait dans une chambre haute les redevances dues à son maître, le Seigneur de Trêves ; les marchands qui vendaient sur le marché déposaient les droits exigés dans une boîte enchaînée à un poteau. Tel fut l’état du marché primitif.

Les honneurs seigneuriaux paraissent avoir appartenu concurremment, mais non sans vives et fréquentes contestations, au Seigneur de Trêves et à celui de la Harielle, en même temps seigneur de Joreau. Jugeons-en !

Le Seigneur Baron de Trêves a droits de boucheries et de créer boucheries. « Est défendu aux forains et riverains d’exposer des viandes en vente à Trêves même les jours de foires et marchés »….

Le Seigneur de la Harielle, qui contestait ces droits, les reconnut le 3 mai 1614 par une transaction qui lui attribua celui de nommer deux bouchers.

«Le Seigneur de la Harielle doit nommer deux bouchers pour être reçus, si ils sont capables d’exercer le métier de boucher, par les officiers du Seigneur Baron de Trêves et ledit Seigneur de la Harielle ne peut ni ne doit les recevoir lui-même ni par ses officiers à peine de privation du droit de présentation. »

Cet ordre de choses signalées par RIGAUD, régisseur des châteaux de TREVES et de MILLY, fut le résultat d’un compromis entre le baron de TREVES et le Seigneur de la Harielle. Celui-ci contestait à son suzerain le droit de boucheries à GENNES, tandis que celui-là interdisait aux gens de GENNES de vendre la viande à Trêves…..

Une des boucheries fut installée dans la maison dite des Fontaines. Mais quand sur l’invitation de RIGAUD et peut-être même avant l’invitation de RIGAUD, de construire des halles, le baron de Trêves eut fait ajouter à ladite maison de la Fontaine la belle maison en style Renaissance, cette maison commença à s’appeler le Palais, parce que « Mr Jacques TERRIEN de l’ESPINAY, sénéchal , juge civil et criminel des eaux et forêts de la baronnie de Trêves » y tenait par semaine ou par quinzaine juridiction.

Les choses restèrent ainsi jusqu’en 1772. A cette époque, Mr de LAURENS de JOREAU, malgré qu’il fût interdit, arrenta à Mr HILAIRE, le grenier au-dessus du Palais et de la boucherie qu’il dit relever de la HARIELLE et devoir les droits seigneuriaux au dit seigneur du lieu. A sa mort, le tuteur de ses héritiers fit casser le traité, et, en 1790, les seigneurs ayant perdu leur droit de justice, Mme de JOREAU loua à bail pour 9 ans à Mr Pierre HILLAIRE le Palais au prix annuel de 15 livres et la boucherie attenante au Sieur BRY, boucher, au prix de 15 livres et dans les mêmes conditions. Ces deux appartements ont vu leur sol et carrelage relevés 3 fois successives assez notablement ainsi que le sol de la rue et des cours adjacents. Quant au Seigneur de la HARIELLE qui avait droit de nommer deux bouchers, il se garde bien de ne pas exploiter son droit, car il fit installer une seconde boucherie sur la petite place des Halles sur son terrain et l’appela elle aussi la boucherie de la Harielle. Ce fut ensuite celle de Mr TREMBLIER.

De nos jours, que reste-t-il de ce patrimoine commercial si ancien ?

Les foires ont disparu ; seul le marché subsiste et se tient le mardi, perpétuant ainsi une vieille tradition, sur la place du 8 mai, en face de la rue de la Cohue ; une taxe est demandée par le placier aux divers marchands ; autrefois, la redevance était déposée dans une boîte enchaînée à un poteau….Dans la rue de la Cohue, la boucherie est toujours présente, au demeurant une excellente adresse, en face de la maison qui semblerait être autrefois celle du Sénéchal

D’autres commerces se sont installés, non seulement dans rue de la Cohue, mais également dans la rue principale. Faisons tout pour les garder, un atout essentiel pour la qualité de vie des Gennois….